LE MATIN 11
février 2013
Le nouveau
film des réalisateurs indonésiens Hanung Bramantyo et Hestu Saputra, qui relate l’histoire d’un
couple interconfessionnel, a suscité beaucoup de réactions ces derniers mois.
Bien que ce ne soit pas le premier film indonésien qui aborde ce sujet, «Cinta
Tapi Beda» (Aimant mais différent) et la question du mariage interconfessionnel
ont fait l’objet de nombreux débats, compte tenu des critiques formulées à son
encontre.
Le film,
adapté d’un blog rédigé par l’auteur indonésien Dwitasari, relate l’histoire
d’amour entre une catholique de Padang, dans la partie occidentale de Sumatra,
et un musulman de Yogyakarta, dans la partie centrale de Java. La famille de la
jeune femme s’oppose à la relation, ce qui contraint les deux jeunes gens à
prendre des décisions difficiles et souligne les problèmes que rencontrent
beaucoup de couples issus de milieux différents en Indonésie.
Les
critiques formulées à l’encontre du film proviennent d’un certain nombre de
communautés Minangkabau, un groupe ethnique établi dans la partie occidentale
de Sumatra qui constitue la plus grande société matrilinéaire au monde. Compte
tenu de ses origines géographiques, la jeune femme, Diana, a été représentée
comme issue des Minangkabau. Or des groupes tels que l’Association des jeunes
Minang indonésiens et l’Organisme de coordination de la culture et la société
Minangkabau à Jakarta ont déclaré que le film donnait une fausse image des
Indonésiens Minangkabau, ces derniers étant majoritairement musulmans. Il est
extrêmement rare en effet de rencontrer un Minangkabau chrétien.
Le
réalisateur, Hanung Bramantyo, a déclaré que son intention n’était pas de
représenter Diana comme une Minangkabau. «Le but est de montrer la diversité,»
a-t-il précisé, ajoutant qu’il avait choisi Padang comme ville natale de la
jeune femme parce qu’il souhaitait représenter la minorité non musulmane dans
la capitale de Sumatra Ouest. Il a présenté ses excuses aux communautés Minangkabau
qui ont pu être irritées par ce choix. Cette controverse n’a servi qu’à mettre
davantage en évidence le thème principal du film : les relations
interconfessionnelles en Indonésie.
Ces
relations se heurtent souvent à des obstacles de taille au regard du Code civil
qui ne prévoit pas le mariage civil. Le mariage n’étant reconnu que dans le
cadre de cérémonies religieuses, il est difficile pour les couples
interconfessionnels d’obtenir un contrat de mariage. En général, l’un des deux
partenaires doit se convertir à la religion de l’autre afin que le mariage soit
légalisé.
Deux seules exceptions à ce principe : Lorsque le couple peut se marier à
l’étranger (les couples mixtes peuvent enregistrer leur mariage dans un pays
étranger et recevoir le sceau de l’ambassade d’Indonésie dans le pays où ils
ont célébré leur mariage) et lorsque l’homme est musulman et la femme ne l’est
pas. Dans ce dernier cas, certaines organisations à but non lucratif, comme la
Fondation Paramadina, aideront les couples à obtenir le certificat de mariage
du Bureau des Affaires religieuses, ce type d’union étant autorisé par la
jurisprudence islamique. Les autres films qui ont traité des relations
interconfessionnelles ont été bien accueillis et sont appréciés des jeunes
adultes en Indonésie.
D’ailleurs, le film du réalisateur indonésien Sammaria
Simanjuntak, sorti en 2009, Cin(T)a («Cina» signifie chinois et «cintra»
signifie amour), qui parle de la relation amoureuse entre un Chinois chrétien –
Batak (un groupe ethnique du nord de Sumatra) et une Javanaise musulmane, et le
film du réalisateur indonésien Benni Setiawan, «3 Hati, 2 Dunia, 1 Cinta»
(3 Cœurs, 2 Mondes, 1 Amour), sorti en 2010, sur la lutte d’un
musulman et d’une catholique dont la relation n’est pas vue d’un bon œil par
les familles respectives, ont à eux deux obtenu six récompenses lors du
Festival du film indonésien.
Le succès
remporté par ces films montre que le sujet fait écho auprès du public et que
des histoires comme «Cinta Tapi Beda» sont en réalité bien accueillies par les
cinéphiles indonésiens. Bien qu’il soit impossible de dire si ces films
pourront à l’avenir influencer le droit indonésien, des couples
interconfessionnels ont pu, dans la vraie vie, connaître un aboutissement
heureux malgré les obstacles existants.
Source :
Service de Presse de Common Ground (CGNews),
http://www.commongroundnews.org/
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